Le géographe français Elisée Reclus, dans son ouvrage « Voyage à la Sierra-Nevada de Sainte Marthe » commence ainsi le récit de son voyage dans la Sierra :«En 1855, un projet d’exploitation agricole et surtout l’amour des voyages m’amenaient dans la Nouvelle-Grenade. Après un séjour de deux ans, je revins sans avoir réalisé mes plans de colonisation et d’exploration géographique. Cependant, malgré mon insuccès, je ne puis assez me féliciter d’avoir parcouru cette admirable contrée, l’une des moins connues de l’Amérique du Sud, ce continent si peu connu lui-même. Aujourd’hui l’homme promène son niveau sur les plaines et les montagnes de la vieille Europe; il se croit de taille à lutter victorieusement contre la nature et veut la transformer à son image en régularisant les forces impétueuses de la terre mais il ne comprend pas cette nature qu’il cherche à dompter; il la vulgarise, il l’enlaidit, et l’on peut voyager pendant des centaines de lieues sans voir autre chose que des parcelles de terrain découpées à angle droit et des arbres martyrisés par le fer. Aussi quelle joie pour l’Européen de pouvoir admirer une terre jeune encore et puissamment fécondée par les caresses brûlantes du soleil! J’ai vu l’antique chaos à l’œuvre dans les marécages où pullule sourdement toute une vie inférieure. A travers d’immenses forêts qui recouvrent de leur ombre des territoires plus grands que nos royaumes d’Europe, j’ai pénétré jusqu’à ces montagnes qui se dressent comme d’énormes citadelles au dessus de l’éternel été, et dont les créneaux de glaces plongent dans une atmosphère polaire. Et cependant cette nature si magnifique où l’on voit comme un résumé des splendeurs de toutes les zones, m’a frappé moins que la vue du peuple qui se forme dans ces solitudes.»
Cette richesse naturelle est en effet complétée par une richesse humaine unique au monde : la dernière civilisation pré-colombienne en état de marche. Bien qu´étant aujourd´hui menacés, plus de 20 000 indiens (les deux principales ethnie étant les Kogis et les arhuacos, les autres étant les wiwas et les kankuamos) vivent dans la Sierra et ont su sauvegarder une culture riche de savoirs. Une société pacifique, en harmonie avec elle-même et avec la nature, qui a su préserver son intégrité malgré toutes les agressions qu’elle a subies durant son histoire. Un peuple non violent et spirituel qui s’est assigné pour mission de prendre soin de la nature. Cette sagesse millénaire n’a pas ou peu été appréciée à sa juste valeur et nous voulons aujourd’hui reconnaître : les peuples premiers de la Sierra ont beaucoup à nous apprendre aujourd’hui et nous voulons nous lancer une aventure avec eux !
Malheureusement, les Kogis, et leurs cousins arhuacos, wiwas et kankuamos, tout comme la Sierra Nevada de Santa Marta, qu’ils appellent le coeur du monde est menacée.
Notre monde ne l’est-il pas aussi ?
Comment alors nous sauver mutuellement ?